Sandy Avignon, Janis Kalnins, Raffaella Ossola, Vincent Sugnaux  – HEAD

Guillaume Tell

La performance a consisté en la lecture d’un extrait de l’histoire de Guillaume Tell, héros national légendaire en alternant trois langues différentes, chacune étrangère à son lecteur. L’extrait choisi contait la prononciation du pacte du Grütli suivi du fameux (et légendaire) épisode du tir de Guillaume Tell dans la pomme posée sur la tête de son fils. Un des buts recherchés était de produire une lecture incongrue aux sonorités disparates dans des langues inconnues tout en gardant l’accent de notre propre langue, quitte à produire des langues inexistantes ou du moins étranges. Ainsi Sandy devait-elle lire son texte en letton, Janis en allemand et Vincent en arménien. Nous étions équipés de micros reliés à deux haut-parleurs en raison de la grandeur de l’espace. Lorsque l’un d’entre nous achevait de lire, il mangeait une pomme, tandis que la lecture était reléguée par le suivant, de sorte que nous étions toujours deux à manger des pommes pendant que le troisième lisait. La durée de la performance s’étendait sur une quinzaine de minutes environ. L’intérêt de la performance en quelques points : - Dans un premier temps venait l’idée, citée plus haut, d’apparition de langues bizarres au sein d’un récit lui-même étrange, puisque constitué de la libre association de trois langues ne présentant que très peu de rapport les unes entre les autres. - L’idée de vouloir mêler trois langues distinctes se voulait aussi une sorte de métaphore de la Suisse, car n’est-elle pas après tout l’association curieuse d’une langue germanique et de deux langues latines ? et du romanche qui résulte en quelque sorte d’une fusion entre allemand et italien. D’ailleurs, une de ces quatre langues était présente, l’allemand, langue officielle écrite. - Un autre aspect nous intéressait : réaliser une performance peu compréhensible au point d’en devenir presque hermétique sur une base simple et classique : la lecture d’un texte. Approche classique qui s’oppose d’ailleurs merveilleusement au statut de héros révolutionnaire de Guillaume Tell. - La pomme enfin qui compte parmi un des objets les plus importants du récit. Elle est investie dans de nombreux mythes d’un champ symbolique passablement vaste et apparaît notamment comme objet symbole de la quête du savoir (religieux, scientifique,…). Dans Guillaume Tell, elle figure le choix de l’homme de s’affranchir ou de rester sous le joug de l’empereur. Nous l’avons reprise, mais lui avons conféré un sens plus en rapport avec la pomme comme fruit de la connaissance. En sorte que manger la pomme signifiait l’appropriation du savoir et donc de la langue inconnue que nous lisions chacun. En raison de l’hermétisme et de la longueur de notre récit, plusieurs personnes ont renoncé à suivre la performance en entier. C’est pourquoi nous avons décidé de la modifier quelque peu pour notre passage à Zürich la 8 mai suivant. Dans notre recherche d’amélioration, le principal soucis a été de rendre la lecture plus vivante et communicative, c’est pourquoi nous avons décidez de prendre un extrait de la pièce de Friedrich von Schiller. De plus, cette année est l’année du 200ème anniversaire de l’œuvre de Schiller ! Le risque était de ne pas tomber dans le théâtral bien entendu, ce qui n’était d’ailleurs pas le but. Mais la lecture d’un texte de théâtre, qui permettait des dialogues et des échanges entre les trois performers, entraînerait de toute évidence un aspect moins rébarbatif. Aussi, toujours dans cette idée de simplification (pour nous, mais aussi pour le public), nous avons choisi de simplifier le choix des langues. Ainsi Sandy, qui est française, a joué en français le rôle du fils de Guillaume Tell, Janis a interprété le rôle de Guillaume Tell en letton, sa langue maternelle, ce qui ajoutait bien évidemment une pointe d’ironie, puisque Vincent, seul suisse du trio, a joué en allemand le rôle de Gessler, enemi des suisses.